Louis Moinet, l'inventeur du chronographe

Louis Moinet, l'inventeur du chronographe

LOUIS MOINET, L'INVENTEUR DU CHRONOGRAPHE

Il aura fallu attendre 2013 pour qu’un nouvel appareil à mesurer un espace de temps soit retrouvé, et vienne bousculer ce qui était admis, et de toute façon, ajouter une nouvelle page à l’histoire de ces dispositifs... Ce nouvel appareil est signé Louis Moinet et le voici présenté figure 22.

On voit trois petits cadrans et une grande aiguille, sans aucune indication, à part le nom de l’horloger bien connu mais néanmoins un peu oublié : Louis Moinet (Bourges 1768 - Paris 1853).

Au centre, comme sur tous les chronographes, mais aussi de nombreuses montres, et comme sur les secondes mortes déjà présentées, se trouve la grande trotteuse classique de ce genre d’objet, qui pointe sur la peinture chemin de fer extérieure, divisée en 60, ce qui évidemment, fait penser aux secondes, mais la division est de 6 en 6...

Fig. 22: Affichage Louis Moinet 

En bas, sur un cadran avec une seule aiguille, se trouve un double affichage sans doute des heures, soit sur 24 heures, mais sans d’aiguille des minutes...

En haut, 2 petits cadrans, gradués de 5 en 5, avec une seule aiguille chacun, affichant également un soixantième de quelque chose...mais de quoi ? 

Enfin au pendant de la boîte, 2 poussoirs.

Avec ces éléments, on devine qu’il s’agit bien d’un objet qu’on nomme compteur, car il semble qu’il s’agit simplement (si j’ose dire...) d’un appareil à mesurer un espace de temps, sans avoir l’affichage des heures et des minutes en continu.

Pour espérer avoir plus d’indications, il faut reprendre ce que Louis Moinet écrivait6 en 1848 : Dans le volume 1, il disait : ...Arnold père en Angleterre avait essayé l’exécution d’un compteur de tierces7, dont l’aiguille faisait une révolution entière par seconde... il ne donna pas suite à cette invention... Moinet poursuivait ...il y a quelques années nous eûmes l’occasion de composer un compteur de tierces fort exact.

(6) Nouveau traité générale d’horlogerie, Louis Moinet vol. 1 et 2, 1848 
(7) Terme ancien indiquant la soixantième partie de la seconde

C’est bien mince pour ce qui concerne la construction, mais s’agirait-il alors de ce compteur de tierces indiqué par Moinet lui-même ? Pour le savoir, il faut disséquer le mouvement, et les photographies communiquées par la Maison « Ateliers Moinet », permettent de le faire avec assez de précision. Voici (Fig. 23) une vue de l’ensemble des pièces. 

DATE DE FABRICATION

Deux éléments apportent des indications qui paraissent suffisantes pour faire admettre que date des années 1815/1816, ce sont :

1) Les poinçons frappés à l’intérieur du fond du boîtier (Fig. 65), que des spécialistes des poinçons d’époque, disent indiquer ces dates.

Fig. 65 

2) Cela semble être confirmé par un document écrit par Louis Moinet lui-même (Fig. 66), dont la teneur indique bien une construction vers les dates indiquées. 

Fig. 66

Ce manuscrit, dont l’authenticité ne fait aucun doute, apporte quelques explications intéressantes au-delà de la date de 1815 indiquée.

1) Il est clair que, comme tous les «grands» horlogers, Moinet ne restait pas continuellement à l’établi, et qu’il faisait exécuter ses projets par d’autres horlogers.

2) Par ailleurs, il confirme que son compteur n’était pas fait dans un but commercial, mais bien personnel.

3) Puis, très intéressant, l’utilisation du 10e de seconde par Breguet, ça paraît très tôt...

Transcription du document

Je me suis occupé dans presque tous les instants de ma vie, de l’étude des Sciences, des Arts libéraux et mécaniques, et d’un peu de Littérature. L’horlogerie, dont j’ai goûté les travaux dans ma jeunesse, a surtout employé la plus grande partie de mon temps

Divers voyages de la province à Paris, et mes études dans l’horlogerie, me lièrent intimement avec M. Breguet père, qui me trouva au niveau de toutes les connaissances théoriques et pratiques, de son art, ainsi qu’il s’en expliquera avec moi dans plusieurs lettres, et qu’il s’en est expliqué depuis devant diverses personnes dignes de foi.

Après divers séjours à Paris, où je connus M. Breguet père, j’y vins la dernière fois en 1815 pour faire exécuter un compteur de tierces, ou des 60 de seconde, dont je voulais appliquer l’usage à un instrument astronomique que j’avais composé quelque temps avant, et qu’avait exécuté pour moi M. Fortin.

M. Breguet père voulût bien me céder un de ses plus habiles ouvriers, que j’employai à mes frais pendant un an aux divers essais, pour arriver à l’exécution difficile et rarement tenté de cet instrument, dont la composition était neuve, et a bien rempli mon but. Ce succès stimula l’imagination de M. Breguet père qui, je ne sais dans quelle intention, construisit immédiatement deux compteurs à lunette, d’une autre composition, et destinés à marquer, non pas tout à fait les tierces, mais le 10 de secondes, rendant  sensibles, suivant lui, à la vue de l’observateur pendant qu’il regarde un astre dans la lunette. Il fit connaître au public un de ces instruments par une gravure que je fis exécuter sur mon dessin, et par une notice que je rédigeai. Quant à moi qui n’avais aucun intention de produire mon compteur, je le gardai près de moi, et il resta à peu près inconnu.